L'intelligence artificielle (IA) bouleverse nos sociétés. On entend dire que demain tout sera IA et l’IA sera tout. Sa capacité à analyser des données et à générer des idées nouvelles soulève de nombreuses questions sur la place de la créativité humaine. Les métiers de la conception numérique n’échappent pas à ces questionnements, c’est pourquoi on a voulu s’interroger sur la place de créativité aujourd’hui et demain dans nos futurs modes de vie et on a retranscris nos pistes de réflexion dans cet article.
Créativité & Intelligence artificielle
La créativité se définit comme la capacité à générer des idées nouvelles ou à créer quelque chose d'inédit. Elle est liée à l'imagination, l'originalité et à la pensée divergente. Stephen Bayley, critique de design britannique, affirme que : « La créativité est cette capacité à pouvoir vaincre les habitudes par l’originalité, elle semble venir de l’aptitude à faire des connexions inhabituelles ».
L'intelligence artificielle (IA), quant à elle, apprend à partir des données qu'elle ingère. Les algorithmes d'IA peuvent générer des idées nouvelles en analysant des données provenant de sources diverses. Ils peuvent, par exemple, aider les équipes de conception à créer des produits uniques en s'inspirant de milliers de modèles existants. L'IA peut parfois produire des résultats inattendus. Grâce à ses bases de connaissances et ses capacités d'apprentissage, elle s’aventure dans des sentiers inexplorés. Cependant, la créativité de l'IA est étroitement liée et, pour l’heure, limitée aux données sur lesquelles elle est entraînée.
Les normes et contraintes
Il est souvent difficile pour nous, humains, d’avoir des idées qui sortent des normes actuelles. C’est d’ailleurs pourquoi il existe de nombreux exercices pour stimuler notre créativité. De son côté, l’IA est aussi très bridée, elle ne peut pas véritablement se libérer des normes et des biais de ses environnements d’apprentissages. Elle est programmée pour traiter les informations de manière standardisée afin d’obtenir des résultats bien précis, et de façon prévisible. L’IA est aussi actuellement très axée sur le consommateur et orientée par le marché : elle est utilisée pour améliorer l’expérience utilisateur, augmenter la productivité ou encore optimiser des processus. Par exemple, elle peut générer des emails en fonction des besoins utilisateurs, elle peut écrire des contenus publicitaires en fonction de la saisonnalité.
D’autre part, il existe toute une série de normes juridiques, éthiques et déontologiques que l’IA doit scrupuleusement respecter, ce qui limite ses divergences de pensée. Ces normes et contraintes peuvent entraver la créativité mais aussi (et surtout) la stimuler. En tentant de les contourner, c’est là que l’IA, comme l’humain, peuvent créer des solutions innovantes. Mais est ce que l’IA peut vraiment y arriver? Sa capacité à le faire est encore à démontrer ! En fin de compte, la créativité naît souvent de la confrontation entre nos besoins, nos envies et les contraintes rencontrées. Elles agissent comme des catalyseurs qui poussent à repenser et réinventer les paradigmes et normes établis. Nous avons d’ailleurs déjà partagé une réflexion sur ces questions dans “La norme non créative” puisque la problématique est tout aussi importante dans nos métiers de conception numérique que dans d’autres domaines. En effet, “si on conçoit systématiquement un outil ou un site à partir de la façon la plus intuitive de l’utiliser, les outils et sites répondant aux mêmes usages doivent ils fatalement se ressembler ?”🤔 … Vous avez 4 heures !
A l’agence, on est convaincus que l’innovation démarre lorsqu’on ose remettre en cause les normes établies, lorsqu’on imagine celles de demain, lorsque l’on se challenge et que l’on sort de notre zone de confort. Cet esprit de contradiction, ce désir de remettre en cause, sont d’après nous des ingrédients essentiels dans la recette de la créativité. Et on aime se rappeler que l’IA ne peut pas encore nous remplacer sur ce point !
Homo Designus
Bien que l’humain, ait parfois du mal à sortir de sa zone de confort pour vraiment innover, lui, a au moins la capacité le faire de manière concrète ! Grâce à des modes de pensées qui peuvent diverger d’un individu à l’autre, l’étincelle créative n’est pas prête de disparaître avec nos 8 milliards de cerveaux sur Terre. Chaque individu est unique et dispose de biais et de contradictions qui lui sont propres et cela est souvent un facteur déterminant lorsque l’on crée quelque chose. Il est parfois nécessaire de faire des choses contre-intuitives pour faire jaillir la magie d’un concept qui réinvente vraiment des usages. Souvenez vous de la mise en ligne de la plateforme Netflix et du nombre de sceptiques qu’elle a suscités. À l’époque, on ne pensait pas qu’autant de monde serait prêt à bousculer leurs habitudes autour de la télévision, aujourd’hui Netflix est la première plateforme de vidéo à la demande avec plus de 260 millions d’abonnés payants dans le monde. L’IA n’aurai pas pu imaginer un tel succès puisqu’elle suit des logiques standardisées : elle n’aurait jamais osé sortir Monsieur et Madame Dupont de leurs habitudes de visionnage du film de France 2 le dimanche soir, puisque c’était la norme en vigueur et qu’on lui a appris comme ça.
L’humain possède une capacité à ressentir et à interpréter des émotions subtiles, fondées sur des connaissances ou des expériences passées, qui peuvent guider son intuition et donc influencer ses choix. Contrairement à l’IA, l’humain dispose de la capacité de traiter les informations de façon non linéaire, de faire comme il le veut, de partir loin dans les méandres de ses pensées, alors que l’IA a un cadre de réflexion prévisible et méthodique. Sur ce sujet, le compositeur André Manoukian résume : "Avant qu'un robot ne nous pique notre job, nous, musiciens, il faudra d'abord qu'il connaisse un chagrin d'amour”
Dans nos métiers de la conception numérique, il est essentiel de préserver cette étincelle qui fait toute notre valeur ajoutée. Ressentir les émotions pour les transformer en interactions, détecter les signaux faibles, se tromper et recommencer, appréhender un contexte dans sa globalité, se mettre à la place du futur utilisateur, ce sont des choses que seul nos cerveaux humains peuvent bien faire (pour l’instant). Il est important d’avoir une vision audacieuse, de garder une capacité à surmonter les doutes et les obstacles, car c’est comme ça que naissent les innovations qui réinventent vraiment les usages. Prenons l’exemple de l’utilisation des commandes vocales et les assistants personnels : au départ, l'utilisation de la voix pour interagir avec des appareils et des applications semblait futuriste et peu pratique. Avec l'avènement des assistants vocaux comme Siri, Google Assistant et Alexa, l'interaction vocale est plus ou moins entrée dans les pratiques courantes pour contrôler les appareils, rechercher des informations et même programmer des tâches. Aujourd’hui, les personnes utilisent la fonction de messages vocaux sur des applications comme WhatsApp pour communiquer de manière plus naturelle, ce qui ouvre la porte à de nouveaux usages autour de la voix.
Finalement .. notre métier conserve toute sa pertinence à l’ère de l’IA. En plus de notre capacité humaine à exploiter notre sensibilité, nos biais d’interprétation, nos souvenirs … on pense qu’il va être essentiel d’intégrer le design numérique dans les utilisations d’IA. L’interaction entre les humains et les systèmes d’IA est très importante pour créer des expériences utilisateurs fluides. Une bonne conception de l’interaction permet de bien savoir utiliser les IA, savoir appréhender leurs potentiels, savoir formuler ses demandes, et donc maximiser leur efficacité ! Les IA peuvent souvent être difficiles d’accès et de compréhension, que ce soit par les personnes adeptes de l’utilisation du numérique au quotidien ou celles touchées par la fracture numérique, qui devront certainement se confronter à ces nouveaux usages. Ici, le rôle du designer est de savoir guider les utilisateurs pour leur rendre l’expérience la plus agréable possible. Bien que l'IA progresse rapidement, il est important de garder à l'esprit que l'automatisation complète n’est pas pour demain, une approche mesurée et un accompagnement des utilisateurs sont donc nécessaires pour profiter pleinement de ses bénéfices.
Et demain ?
On l’aura compris, l’IA est capable d’analyser un grand nombre de données, de faire des calculs complexes, bref... elle a beaucoup de compétences ! Mais elle ne semble pas encore être dotée de la même capacité d'imagination et d'intuition que l'être humain, deux éléments clés qui sont au cœur de la créativité … et ça c’est rassurant ! Cela dit, et on le lit souvent, l’IA peut servir comme un outil d'aide à la création pour les humains. Elle peut nous aider à explorer de nouvelles options en nous apportant des perspectives différentes. Elle a aussi le potentiel de libérer les humains des tâches répétitives de leur quotidien, leur permettant ainsi de se concentrer sur des aspects plus créatifs ou à plus forte valeur ajoutée. De notre côté, on trouve cela bien suffisant, mais le progrès ne s’arrête jamais et de nouvelles pistes pour améliorer les capacités de l’IA sont en construction.
De toute façon avant que vous ayez finir de lire cet article, tout aura déjà certainement changé …
Adèle Moisdon